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J'voulais quand même vous dire...
10 septembre 2006

Tomorow never comes/2

    Il était presque onze heure du soir, et le vieil homme finissait de nettoyer les tables noircie de fumée et entaillées par les couteaux des clients de son auberge. Le dernier ivrogne avait pris congé depuis un certains déjà et la lourde porte de bois dur était verrouillée, protégée par plusieurs lourdes barres de fer. Le vent, au-dehors, soufflait si fort qu’elle ne pouvait s’empêcher de trembler sur ses gonds ; on aurait dit que la tempête désirait pénétrer dans la pièce pour se réchauffer au feu de bois crépitant dans la cheminée. L’aubergiste donna un dernier coup de son torchon sale et s’apprêta à monter dans sa chambre pour y rejoindre sa femme. C’était un gros homme petit râblé, amateur de bonne chère, comme l’indiquait sa bedaine qui le précédait où qu’il aille. Ses jambes courtes le portaient avec une agilité et une rapidité impressionnantes pour un homme de sa corpulence. Il avait de petites mains aux doigts boudinés, qu’il essuyait sur son tablier graisseux, par habitude plus que par besoin. Son visage ressemblait à une grosse lune rouge. Il adoptait une forme presque parfaitement ronde et les courant excès de boisson lui avaient donné la couleur du vin rouge. Son nez avait une bosse et il paraissait bien trop grand pour lui ; un bouton l’ornait et des poils drus sortaient en masses de ses narines frémissantes. Avec ses petits yeux renfoncés dans ses orbites, il aurait pu ressembler à un gros cochon mécontent. Les sourcils qui les recouvraient étaient gris sombres et retombaient jusque sur ses paupières tombantes, presque dépourvues de cils. Quant à son gros crâne poli et brillant, il était parsemé de quelques cheveux que le gros homme entretenait avec un soin jaloux : il les lavait et les peignait chaque jour, et même plusieurs fois dans la journée s’il en avait le temps. Malgré son apparence méchante, voire cruelle, et ses airs conquérants qui le rendaient plus ridicule que respectable, c’était un homme charmant avec ses amis, quoiqu’un peu bourru, et il était considéré comme un des meilleurs compagnons de beuverie du village. Au grand désespoir de sa femme, il entretenait cette réputation aussi bien que ses quelques touffes de cheveux, et le chaque lundi, jour de fermeture de son auberge, il passait la journée avec des amis et revenait saoul, s’il n’avait pas roulé sous la table avant de retourner chez lui. Sa femme était une dame douce et attentive, âgée d’une soixantaine d’années, tout comme son mari. Elle l’aidait dans la gestion de son auberge, et tentait, sans vraiment y arriver, de l’empêcher de boire autant. Elle n’avait pas choisi de l’épouser, car dès sa naissance, ses parents avaient arrangé son mariage avec le fils aîné de leurs meilleurs amis, mais elle l’aimait tendrement, malgré son caractère impulsif. La santé fragile de cette femme charmante ne lui avait permis d’avoir qu’un enfant, après de nombreuses fausses couches. C’était un garçon, et ses parents le chérissaient d’autant plus qu’il était leur fils unique.

    Alors que, pensant à sa petite famille, l’aubergiste s’apprêtait à monter l’escalier, un coup violent fut frappé à la porte, avec tant de force qu’une des quatre barres de fer sauta et atterrit sur le sol de terre battue dans un bruit métallique. Il s’immobilisa, espérant de tout cœur que ce n’était qu’un coup de vent ; l’oreille tendue et les yeux posés sur la porte, il posa le pied sur la première marche, puis sur la seconde, et faillit en retomber quand de nouveaux coups furent frappés avec impatience. Ça ne pouvait plus être le vent, mais qui pouvait donc venir à une telle heure ?

    « Papa ?, fit une voix inquiète du haut de l’escalier. Que se passe-t-il ? Qui frappe à la porte ?

    _ Ça, je ne sais pas, mon fils. C’est ce que je m’en vais voir. Reste derrière moi et prend une bougie… J’espère que ce ne sont pas des gens de la Garde Rouge! Allons, j’espère que ta mère n’a rien entendu, elle s’inquiète toujours pour presque rien… »

    Tout en parlant pour se rassurer, l’aubergiste s’avança aussi lentement que possible vers la porte, à la lueur de la bougie que tenait son fils. Au fur et à mesure qu’il s’approchait, il sentait la sueur perler sur son front et songea qu’il n’aurait plus qu’à se relaver les cheveux… s’il en avait de nouveau l’occasion. « Peste soit les voyageurs ! », grommela-t-il en retirant les barres unes à unes. Puis, lorsqu’un nouveau coup, plus pressant, fut frapper, il s’écria : « C’est bon, j’arrive, j’arrive ! Mais quelle idée de venir à une telle heure ! » Enfin, lorsque la porte fut déverrouillée, il l’ouvrit prudemment, sans retirer la chaîne qui la retenait et glissa un regard au-dehors. Il sursauta alors, laissant entendre un petit hoquet de peur et de surprise. Juste avant que le vent ne s’engouffre dans la pièce et éteigne la bougie que tenait son fils, il avait eu le temps d’apercevoir la lame d’une épée briller dans la nuit froide.

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